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18 mars 2020

Bijoux à prix d’or

Le cours de l’or a une influence sur la consommation française de bijoux (en nombre) mais pas seulement : la créativité, elle aussi, est impactée.

Par Sandrine Merle.

 

 

Le cours de l’or varie en fonction des aléas économiques mondiaux. En période de croissance économique, son cours stagne voire diminue. En revanche en période de forte inflation, lors d’attaques terroristes, de kraks boursiers ou encore d’épidémies, il augmente. Banques centrales et européennes l’achètent alors comme réserves. En revanche, l’essentiel de la consommation d’or (c’est-à-dire non acheté à titre conservatoire mais utilisé) est lié à la bijouterie-joaillerie.

 

Lorsque le cours de l’or baisse…

En 1981, le cours de l’or s’affaisse puis demeure dans une tendance légèrement baissière jusqu’en 2001, ce qui a provoqué sa démocratisation. Le volume des ventes en France a été multiplié par trois grâce à de nouveaux acteurs entrés sur le marché comme Édouard Leclerc à l’origine du Manège à Bijoux. En 1986, ce concept est révolutionnaire car jusque là, il était impensable de se procurer un bijou en hypermarché. Avec des prix oscillant entre 50 et 2 500 francs, le Manège à Bijoux s’impose, 10 ans plus tard, comme le premier bijoutier de France.

 

Cours de l’or : la flambée de 2001

Cette hausse du cours de l’or oblige marques et créateurs à trouver des solutions pour ne pas faire exploser les prix des bijoux. Ils misent alors sur la valeur ajoutée liée au savoir-faire de l’orfèvre, le coût de la main-d’œuvre n’ayant lui pas augmenté : ils allègent les bijoux de 20% en transformant l’or en dentelle, en maillons, voire en structure filaire. Le travail de l’artisan, équivalent à des centaines d’heures, peut alors représenter 50 à 70% du prix du bijou. Marques et créateurs compensent aussi avec des pierres. « Ces alternatives ont été salutaire sinon la chute des ventes de 20% aurait été encore plus brutale », explique Hubert Lapipe de la société Panel5.

 

Or de prix

En 2006, l’once d’or connaît une nouvelle envolée : alors qu’il cotait à peine 450$ à la fin de l’année 2005, le métal jaune dépasse les 700 dollars à la bourse de New York. Il n’est plus possible pour les joailliers de gagner en poids d’or qui parfois ne constitue plus que 5% du bijou ! Et cependant marques et joailliers traditionnels ne sont pas encore prêts à utiliser du 9 carats qui, selon eux, désacralise le métal jaune. Contrairement à la Grande-Bretagne ou aux États-Unis, la France méprise cet or contenant une moindre proportion de métal jaune (35% g contre 75g pour le 18 carats). On assiste alors à une nouvelle chute des ventes de 30% et à l’émergence du bijou en argent et du bijou fantaisie.

 

L’avènement du 9 carats

Entre 2000 et aujourd’hui, le cours de l’or a été multiplié par 5. Le bijou tout or (comme l’alliance, la chevalière ou la médaille) est devenu un luxe car la matière compte pour 80-90% dans son prix. Comme le consommateur préfère les acheter chez des marques reconnues (Cartier, Van Cleef ou encore Boucheron), les créateurs confidentiels se sont trouvés pénalisés. En plus, leur trésorerie ne leur permettait pas d’investir dans d’énormes quantités de ce métal précieux. Ils ont alors innové en utilisant le 14 carats ou le 9 carats qui permettent des prix acceptables. Ils se sont rués aussi sur d’autres matériaux alternatifs comme le vermeil (de l’argent plaqué or) et  du bronze, du laiton, de l’acier plaqué or (57 % des ventes de modèles en or en 2017, contre 43 % pour l’or 18 carats).

 

Un bijou en or à moins de 1 000 euros

Aujourd’hui grâce à cela, il existe un choix infini de nouveaux bijoux « en or » à différents niveaux de prix. Cela va de l’or pur (22 ou 24 carats le nec plus ultra) chez Marie-Hélène de Taillac au bronze doré à l’or fin de Dear Charlotte (130 euros la manchette) en passant par l’or 14 carats chez Atelier Paulin ou 18 carats, le plus utilisé. Il y a du bronze plaqué or chez Annelise Michelson où les prix oscillent entre 375 euros et 1 750 euros pour un spectaculaire choker, du vermeil chez Charlotte Chesnais avec des boucles d’oreilles-sculptures à 750 euros, des bagues à 500 euros. Chez Pascale Monvoisin, une pionnière dont le succès est phénoménal, le 9 carats est roi avec pléthore de bijoux qui n’excèdent jamais les 1 000 euros.

 

Heureusement que cette diversité existe car depuis un an le cours a encore augmenté de 30%… Reste à savoir comment la crise du coronavirus, va faire évoluer la donne.

 

Image en bannière : Annelise Michelson

 

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